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Avec de la mémoire, on se tire de tout
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Avec de la mémoire, on se tire de tout
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17 juin 2007

Herméneutique ?

"Surtout, défends-toi bien"
Et il part en courant.
C'était mon prof d'allemand d'hypokhâgne, revenu parmi les simples mortels que nous sommes pour la soirée de fin d'année.
Je le regarde partir en courant. Il vient de me féliciter pour mon score honorable d'Aix en Provence.
J'ai envie de pleurer. C'est trop tard, il y a deux minuscules rivières qui viennent de partir de mes yeux.
Tout résonne dans ma tête "Défends-toi bien".
Se défendre. Parce qu'on est attaquée ?
J'ai peur des oraux de Sciences Po, tout d'un coup. Je sais même pas si j'y serai retenue. J'ai tout d'un coup terriblement peur du futur. Assise là, sur un banc, avec Fanny, qui a pris un coup de bambou sentimental quelques minutes avant mon coup de vieux.
Je la regarde, elle soupire. "J'ai l'impression d'être au club des looseurs".
Parce qu'au fond, c'est ce qu'on est. On est dans le club des looseurs. Enfermés dans le plus âpre et le plus soyeux des cocons, maternés, vermifugés, gavés, bafoués pendant deux ans.
Voilà, j'ai purgé mes deux ans. On va m'ouvrir la grille, on va me pousser dehors. Et là ?
La vie.

Le prof de littérature me fait la bise. Je sens sa joue chaude qui sonne comme une tape sur l'épaule, comme un "Bonne continuation".
J'ai l'impression que tous les membres de ma famille me disent au revoir un par un.

Le lycée va fermer, la soirée se termine. Je ne trouve plus Marieke. Je plaisante "Vous n'auriez pas vu ma fille âgée de 20 ans ?" Non elle est introuvable. Elle est partie, elle aussi ? Elle me laisse toute seule face à .... ?

J'aurais pas dû boire. J'aurais pas dû venir. Alcool fatal.
Je me souviens que vers 21h, j'étais sortie, je m'étais assise dans cette cour déserte, cette cour, première chose que j'avais vue de mon lycée il y a pratiquement 6 ans ... J'ai regardé le ciel. Le soleil se couchant derrière un paravent de nuages m'a giflée. C'était le même coucher de soleil qu'il y a 7 ans, en Ecosse, à Kilmarnoch, la plage au sable rouge, moi assise sur les gros rochers de granit rouge, le soleil qui se couche... Les nuages ... Le vent... Je pouvais presque enfin le sentir à nouveau me caresser la joue. J'ai eu envie de pleurer. Surtout quand des élèves m'ont rejointe, leur bruit a chassé mon passé fuyant.

Pourquoi pleurer à une fête ?
J'ai eu tout d'un coup l'impression de devenir adulte.
Tout d'un coup, ce monde de facilités s'effaçait, se dérobait. J'avais beau courir après, il est plus rapide. Le passé est toujours plus rapide que vous, qu'il vous fuie ou qu'il vous rattrape.
J'ai fait un tour dans la cour, silencieusement, religieusement. J'ai repensé à tout, enfin tout ce dont ma mémoire en puzzle pouvait se rappeller. Des bribes, des rires, des coups durs... Premiers émois littéraires purs... Tellement de bonnes nouvelles...

La pionne referme la grille puis la porte vitrée derrière moi. Tout le monde est assis sur le parvis. Le passé vient de fermer la porte. On est dehors.
Et la vie est à nous.
On a mis du temps à bouger, on trouvait les marches accueillantes. Finalement on est partis. On s'est tous éparpillés.

"Défends-toi bien".
On verra.

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Commentaires
S
La prépa présentée comme un cocon, c'est gonflé quand même ! Mais pourquoi pas. Cocon pour te permettre de rester focalisée comme jamais auparavant et peut être jamais plus ensuite. <br /> Au fond de quoi as-tu le plus peur devant cette porte qui s'ouvre ? <br /> Notre peur la plus profonde n'est pas d'être nul et incapable.<br /> Notre peur la plus profonde, c'est d'être puissant au-delà de toute mesure.<br /> C'est notre lumière, et non pas notre ombre, qui nous effraie le plus.<br /> C'est Nelson Mandela qui dit cela....
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